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Combats et massacre de Lailly

Le 16 octobre 1870, la 4e section du 1er escadron du 3e régiment de chevau-legers bavarois, sous les ordre du lieutenant von Muffel, a pour ordre d'aller reconnaître la route entre Orléans et Saint-Laurent-des-Eaux afin d'y confirmer la présence de troupes françaises à l'ouest d'Orléans.

Cavalier d'un régiment de cheveaulegers bavarois.
Illustration par Carl Becker

Au même moment, des francs-tireurs français de Tours et de la Dordogne, ainsi que les gardes nationaux de Saint-Laurent-des-Eaux et de La Ferté, 150 hommes peut-être en tout, s'attendant à des reconnaissances ennemies, établissent une embuscade dans les environs du village de Lailly-en-Val. Si la route n'est pas spécialement étroite, elle est cependant bordée, des deux cotés, par de nombreuses vignes, rendant la sortie de route par des cavaliers extrêmement compliquée. Le capitaine Sansas, dirigeant les franc-tireurs de Tours, place ses hommes de part et d'autres de la route, en embuscade. Un groupe se place dans le cimetière du village de Lailly, le second prend position au hameau des Trois-Cheminées, près du moulin, et enfin le dernier s'établit au lieu-dit Mocquebaril. 

Embuscade de Lailly, le 16 octobre 1870

Les cavaliers bavarois arrivent au bourg de Lailly, qu'ils traversent sans encombres, et se dirigent vers le sud. Il est 4h du matin, il fait encore nuit quand la première rafale des francs-tireurs s'abat sur les hommes du lieutenant von Muffel. Le piège se referme alors. Obligés de faire demi-tour, les cavaliers doivent repasser devant les embuscades aux Trois-Cheminées puis au cimetière. Plusieurs hommes et chevaux tombent. Parmi eux, Maximilien Graf von Arco-Valley, fils de bonne noblesse bavaroise. Son cheval, grièvement blessé, s'effondre en arrivant à Lailly. Des villageois armés se précipitent sur lui, mais il parvient à se dégager à coups de sabre. Alors qu'il arrive à la sortie du village, il reçoit un coup à la tête et tombe, assommé. Les habitants l'emmènent au château de Fontpertuis où il sera remis comme prisonniers de guerre aux francs-tireurs. Malgré des pertes, inconnues, un certain nombre de bavarois arrivent à s'échapper du piège, notamment grâce au lieutenant von Muffel qui va réussir à rallier ses hommes, totalement désorganisés, et les pousser à sortir du piège, leur évitant l'emprisonnement. Pour cette action, von Muffel recevra d'ailleurs la croix de chevalier de 2e classe de l'Ordre du Mérite militaire de Bavière. 

Maximilien Graf von Arco-Valley

Suivant l'attaque des cavaliers, le lieutenant colonel von Salmuth décide d'une expédition punitive sur le village de Lailly, afin également d'en expulser les Franc-tireurs. L'après-midi même, une force prussienne de deux escadrons du 5e régiment de hussards et deux canons se présente à Lailly, mais ne trouve aucun combattant. Le Maire est capturé et sous la menace, il promet de livrer ceux parmi ses habitants qui ont attaqué et capturé von Arco. Satisfait, von Salmuth décide de se retirer, bien qu'un accrochage dans les bois alentours mène à la disparition d'un cavalier. Les coupables de la capture de von Arco, bien qu'identifiés, seront évacués pour éviter leur arrestation. 

Hussard "rouge" du 5e régiment de hussards prussiens.
Illustration par Carl Becker

Les cavaliers du 5e régiment de hussards prussiens se retrouvent alors avec la tâche de patrouiller dans les environs de Lailly, Jouy, Cléry, et notamment de surveiller la route qui mène à Tours, via Lailly. En face au même moment, au lieu-dit Mocquebaril, est cantonné le 3e bataillon de chasseurs à pied. Pendant deux jours, les hussards patrouillent sans trouver d'ennemis, qu'ils pensent alors replié sur Blois. Mais le 19 octobre, une patrouille du 2e escadron commandé par von Geibler, se retrouve embusqué entre Lailly et Jouy par les chasseurs français, dans les environs du Bois de Vézenne. Alors que les prussiens font demi-tour vers Cléry, en pleine retraite, ils se retrouvent embusqués par un second groupe, probablement dans les environs du Bois du Bouchet. L'histoire se répète comme lors de l'embuscade du 16 octobre et von Geibler n'a d'autre choix que de tenter une fuite à travers les vignes. Il y perdra trois hommes et leurs chevaux, capturés, ainsi que deux autres montures blessés. Immédiatement à leur retour, une patrouille est envoyée débusquer les chasseurs français, mais ceux-ci se sont déjà évaporés... 

Chasseurs à pied français en 1870.
Peinture par Etienne Prosper Berne-Bellecour.
Collection du Musée de l'Armée.

Les prussiens se rendent alors compte que le bourg de Lailly est de nouveau occupé par des troupes françaises. Certainement, les mêmes villageois qui s'étaient attaqués à von Arco hébergent et aident de nouveau des troupes et des franc-tireurs français. S'en est trop, et le colonel von der Tann ordonne une attaque vers le village pour le 22 octobre afin de se débarrasser des groupes de franc-tireurs. Celle-ci s'organisera en trois avancées distincts, une centrale et deux sur les flancs afin de ratisser les environs et éviter les embuscades. Les prussiens s'organisent comme suit :

L'attaque principale suivra la route Cléry-Lailly, elle est constituée d'une avant-garde avec une section du 4e escadron (du lieutenant von Zitzewitz) et d'une compagnie de chasseurs, et sera suivi à distance d'environ 1500 mètres par le gros des troupes : 6 compagnies de chasseurs, plusieurs escadrons de cavalerie et deux canons.

Le détachement droit se compose d'une section du 2e escadron et d'une compagnie de chasseurs. Il doit bifurquer à Cléry vers Meung puis longer le levée de la Loire pour arriver à l'intersection de celle-ci et de la route Lailly-Beaugency.

Le détachement gauche, composé d'une section du 5e escadron (du second-lieutenant von Homener) doit quitter Mézière, traverser le château de Villefallier, contourner la forêt d'Aunay et arriver au carrefour de la route Lailly-Ligny, au nord du château des Gachetières.

 
Attaque prussienne du 22 octobre 1870.

Le 22 octobre, alors que les prussiens se mettent en marche et que l'avant-garde arrive à repousser les harcèlements de la part de groupes de combattants français, le détachement droit juge mal le terrain et au lieu de bifurquer sur la levée de la Loire, continue sa marche jusqu'au pont de Meung, détruit. Le temps de faire demi-tour, on réalise que des cavaliers français patrouillent désormais la levée et que l'effet de surprise est perdu. Le contournement par la levée est annulé.

A Lailly se trouve entre 80 et 100 chasseurs du 3e régiment de marche. Ceux-ci décident, malgré les avertissements des habitants, de tenir leurs positions. Le combat s'engage dans la matiné, entre les chasseurs français et les bavarois du 9. Jager-Bataillon. La fusillade est vive, mais la supériorité numérique ennemi l'emporte sur les chasseurs français qui doivent battre en retraite. Ils laissent derrière eux un tué et six/sept prisonniers. Du coté allemand, les Jager déplorent 3 blessés et les hussards un cheval tué. Dans les récits allemands, à la suite de ce combat, les soldats réquisitionnent du grain et du bétails et détruisent les armes découvertes avant de se retirer, ne poussant pas plus avant, de peur de pertes trop importantes au vu du terrain.
En réalité, les « réquisitions » allemandes se font dans une atmosphère d'extrême violence, certainement punitive à la suite des divers embuscades. 

« Leur vengeance fut atroce. D'abord les soldats se précipitèrent avec fureur dans les maisons : du sabre, de la baïonnette ou de leurs balles, ils y frappèrent tous ceux qu'ils trouvaient, hommes, femmes et enfants. Puis ils pillèrent, et au pillage succéda l'incendie. Il y avait de l'ordre et presque de la discipline dans l'assouvissement de cette cruauté »
Attaque d'un village français par des troupes prussiennes.

L'incendie ravage le carrefour de la Croix-Blanche et l'auberge attenante, ainsi que l'auberge du Cygne. Alors que la panique s'emparent des habitants, certains tentent de sauver leurs biens, mais les allemands les y empêche. Plusieurs dizaines d'habitants sont regroupés sur la route sous les menaces, dont celle d'être exécutée. Le premier conseiller municipal, Fernand de Greffier, agissant en fonction de maire, et le marquis de Fricon, capitaine de la garde nationale sédentaire, accourent et s'offrent en otages. A force de négociations, les allemands décident de libérer la plupart des otages, ormis deux. Vers 15h30 environ, les troupes ennemis se retirent. Sur le chemin, elles commettent quelques pillages à Dry.
Le bilan, pour le hameau de la Croix-Blanche, est terrible : 6 habitants tués, 4 gravement blessés, et deux otages emportés par les allemands, dont un ne reviendra pas. En plus du pillage en règle, une vingtaine de bâtiments ont été détruits.
Les morts du 22 octobre à Lailly sont :
  • Denis Bigot, 18 ans, jardinier au château de la Gaschetière, décédé à 10h du matin au quartier de la Croix-Blanche 
  • Sulpice Joseph Chevalier, 19 ans, journalier, décédé à 11h du matin
  • Jean Sylvain Grivaux, 57 ans, vigneron, décédé à 11h du matin
  • Simon Germain, 73 ans, garde particulier, décédé à 11h du matin au quartier de la Croix-Blanche
  • Alexandre Désiré Paulin Gaurand, 47 ans, bourrelier, décédé à 11h du matin, quartier de la Croix-Blanche
  • François Victor Napoléon Gillet, 57 ans, charron, décédé à 11h du matin, quartier de la Croix Blanche.
On peut ajouter à ces décès :
  • Charles Stanislas Perrière, 21 ans, de Besançon, soldat au 16e bataillon de chasseur, décédé à 7h du soir chez François Gruin, au quartier de la Croix-Blanche
Le monument aux morts de 1870 de Lailly liste également comme victime civile un dénommé Cizeau. Il pourrait s'agir de : 
  • Stanislas Cizeau, 46 ans, vigneron, décédé le 30 octobre à 6h du matin, au quartier du chemin Rémy (qui est proche du quartier de la Croix-Blanche).
Illustration dans "Femmes de France pendant la guerre". Dessin de Paul Hadol.

En 1872, deux ans après les faits, certaines des maisons ne sont pas encore reconstruites. D'autres l'ont été, une douzaine, grâce au Sou des chaumières, une souscription créée par Mme Amica Rebattu qui permettra de reconstruire 358 chaumières à travers la France.

Quelques jours plus tard, les chasseurs et franc-tireurs laissent leurs positions aux hommes du général Henri de Cathelineau, qui continuera d'accrocher les troupes ennemies pendant encore plusieurs jours.

Quant au jeune Maximilien von Arco-Valley, il sera gardé prisonnier à Oléron puis Montpellier et ne sera libéré qu'en mars 1871. Parlant français et pouvant servir d'intermédiaire, sa présence sera grandement appréciée par ses compatriotes dans les prisons françaises. Il se maria et aura un fils, Anton, un futur ultra-nationaliste bavarois qui deviendra célèbre pour l'assassinat de Kurt Eisner, premier-ministre socialiste de la République autonome de Bavière.

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