9 Janvier 1871, près du Mans, Sarthe. Les hommes du général Rauch reprennent leur marche offensive. Après avoir capturé Vibraye lors d'un
court combat la veille contre les francs-tireurs de Cathelineau, leur prochain objectif est de traverser la rivière Dué. Le pont le plus proche est à Thorigné. Les allemands s'attendent à plus de résistance à mesure qu'ils s'approchent du Mans. Ils ne se sont pas trompés.
|
Soldats français dans la neige. Auteur inconnu. |
Les hommes du détachement Rauch, des brêmois du 1er bataillon du 75e régiment (1/75), et des mecklembourgeois du 2e bataillon du 90e régiment (2/90) et du 14e chasseur, débutent leurs mouvements vers 8h30, le 1/75 en avant-garde. Le détachement passe Lavaré et Dollon sans soucis. Passé midi, la 3e compagnie, en tête, arrive en vue de Thorigné. Les premiers tirs partent, le bourg est occupé par le 26e de ligne français, notamment les 4e, 7e et 8e compagnies. La 3. Kompagnie du 75e, commandée par le lieutenant Gottschling se déploie en face de la route principale, tandis que la 2. Kompagnie du lieutenant Kayser se dirige vers le sud pour encercler le village, mais c'est impossible, la rivière et les terrains marécageux interdisent tout passage de ce coté. La 1. Kompagnie du lieutenant Rose tente de faire de même par le nord et trouve un passage. Flanqué par le nord, craignant que les allemands leur coupent la retraite vers Connerré, les français abandonnent le village et se retirent à la sortie ouest, dans des haies, où le 26e va recevoir les renforts du 90e mobile. La 1. et 3. Kompagnie du 75e capturent le village vers 15h et engagent le combat à la sortie ouest du bourg, où se sont repliés les français.
|
Déroulement des combats de Thorigné dans l'après-midi. La localisation des unités est approximative. |
La fusillade est intense, et la défense française interdit toute nouvelle progression aux allemands. Le colonel Feugeas, juché sur son cheval, commandant le 90e régiment de mobiles de la Corrèze et de la Sarthe, encourage et dirige ses hommes malgré une blessure à la jambe. Le terrain, légèrement en hauteur et parsemé de haies, favorise les défenseurs. La ferme de la Chéquinière se retrouve probablement au milieu des combats et en gardera longtemps les stigmates.
|
Bâtiment de La Chéquinière, portant encore les stigmates des combats au début du XXe siècle. |
« A peine arrivé sur une colline, nous avons été accueillis par une pluie de balles, qui sifflaient au-dessus de nous. Nous nous sommes repliés dans un fossé. Nous nous sommes couchés derrière le talus de terre et avons répliqué avec un feu meurtrier. Je n'ai jamais vécu une telle journée » - un soldat allemand du 75e, nouvellement arrivé en renfort, lettre écrite le 11 janvier à Connerré.
Du coté allemand, des cavaliers rapportent que le village du Croset, au nord, dans lequel se trouve un passage au-dessus du Dué, est tenu par les français. Le 2/90 y est envoyé. L'attaque est menée par la 6. Kompagnie de front et la 7. Kompagnie sur le flanc droit français. L'avance des allemands est lente dans un terrain boisé, couvert de neige, et parcouru par les cours d'eau. Des fusillades durent pendant plusieurs heures, mais les prussiens arrivent à capturer les bois, le hameau et le passage au-dessus du Dué à la tombée de la nuit, capturant une soixantaine de prisonniers selon eux.
|
Tombe commune de 25 soldats français tombés à Thorigné, dans le cimetière. |
Les français sont désormais menacés par le nord. Jusqu'ici, ils ont pu empêcher les allemands de poursuivre leur avance vers Connerré. Mais les pertes s'accumulent : le colonel Feugeas est gravement blessé quand son cheval chute sous les balles, le lieutenant Robert de Lasteyrie est blessé au bras.... Les français commencent à se retirer vers Connerré. Des escarmouches sans importances éclatent encore jusqu'à minuit environ. Les allemands prennent leurs quartiers pour la nuit. Le 2e bataillon du 90e s'installe au Croset, le 1er bataillon du 75e à Thorigné et les chasseurs du 14e vont prendre position sur les sorties du bourg, en direction de Connerré et de Nuillé. Le 26e de ligne français a perdu
6 tués et 10 blessés. Le 90e mobile a au minimum
6 tués et une quinzaine de blessés, certainement plus. Coté allemand, le 1er bataillon du 75e a perdu 14 hommes, dont 4 tués et le 2e bataillon du 90e, trois blessés.
Mais les combats pour Thorigné ne sont pas finis.
|
Situation aux dernières heures du 9 janvier. Au sud, la tentative des marins pour recapturer la ville. Au nord, après les combats de Sceaux et Duneau, le retrait des unités françaises vers Connerré. |
Posté à Connerré depuis la veille, le 19e bataillon de marche est envoyé pour tenir une position au hameau de Touche-de-Veaux. Créé en octobre à Laval, 1047 hommes avaient quittés la Mayenne vers la Sarthe fin novembre. Le 16 janvier, le bataillon n'en comptera plus guère que 400. Les hommes du 19e fortifient les tuileries qu'ils trouvent à Touche-de-Veaux et prennent position dans les champs qui bordent la route vers Thorigné. Vers 22h, la 1ere et 4e compagnies du 5e bataillon marins de la division Rousseau sont envoyés en reconnaissance vers Thorigné, pour vérifier si les prussiens y sont toujours et tenter de réoccuper les positions perdues. En passant par Touche-de-Veaux, la 3e compagnie du 19e les rejoint.
|
Fusilier marin à Paris, le 31 janvier. Par Auguste Raffet. |
Alors qu'ils allait entrer à la baïonnette dans le bourg, une fusillade éclate. La patrouille française vient de surprendre le major von Gaza, commandant du 14e chasseur, qui accompagné de plusieurs officiers et hommes, allait rendre visite aux avant-postes de la 4. Kompagnie qui garde la route Thorigné-Nuillé. Les prussiens prennent la fuite. Les hommes du 19e et les marins les poursuivent dans la nuit, mais malgré la surprise, le major von Gaza et ses hommes arrivent aux avant-postes. Les chasseurs du 14e répliquent aux tirs français. Ces derniers se rendent compte qu'ils ne pourront pas y déloger l'ennemi. Le lieutenant de vaisseau qui commandait l'attaque donne l'ordre de se replier après une demi-heure de fusillade. Les marins ont perdu
12 hommes hors de combat, dont au moins 4 tués, la 3e compagnie du 19e perd 1 tué et 4 blessés. Les allemands ont 3 hommes blessés.
|
Jäger (chasseur) du 14e régiment, par Carl Becker |
La position occupée par les français est précaire. Connerré est menacée depuis le nord-est par la colonne de la 17e division allemande qui s'est avancée jusqu'à Duneau, et par le sud-est par le détachement Rauch qui occupe désormais Thorigné. Les patrouilles allemandes, lancées dans la nuit, arrivent à quelques centaines de mètres du centre de Connerré. Vers une heure du matin, le général Rousseau rappel ses troupes : il faut se retirer sur Montfort et sur la rive droite de l'Huisne. Le 26e de ligne et le 90e mobile quittent Connerré, le 19e de marche, les fusiliers marins et des francs-tireurs de Fontainebleau qui les avaient rejoint quittent également leurs positions. Dans la nuit, depuis Thorigné, les allemands envoient un groupe d'hommes à Connerré. La 2. et 4. Kompagnie du 1/75 et la 3. Kompagnie du 14e chasseur entrent sans encombres dans le bourg, vidé de ses défenseurs. Le combat pour Connerré n'aura pas lieu. Mais celui pour la rive droite de l'Huisne va commencer.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Une précision à apporter, une question, une remarque ou une critique ?