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Combat d'Ardenay

9 janvier 1871, 4h du matin, non loin du lieu-dit Saint-Hubert, près de la grande route de Saint-Calais au Mans, dans la Sarthe, des masses grises semblent s'élever de la couche de neige. Les hommes de la 2e division du général Pâris émergent durement d'un sommeil très peu réparateur. La veille, ils ont reçu l'ordre de se porter à Ardenay-sur-Mérize afin de bloquer l'avance allemande sur la grande route vers Le Mans. Le 48e régiment de marche, le 51e régiment de marche et le 85e mobiles ont quitté le château de Vandoeuvre la veille en soirée, traversé Le Mans vers 11h du soir et se sont retrouvés dans les bois de pins près de Saint-Hubert où ils ont allumé de grands feux pour se coucher à proximité, enveloppés dans leurs couvertures humides ou leurs toiles de tentes. 

Illustration allemande du combat d'Ardenay du 9 janvier 1871.

Pendant ce temps, les forces allemandes continuent leurs progressions vers Le Mans, pour tenter de défaire une fois pour toute cette Armée de la Loire qui s'obstine à retraiter et combattre au lieu de se rendre. Le haut-commandement allemand a émis ses ordres pour la journée du 9 janvier : le XIIIe Corps d'Armée doit s'avancer jusqu'à Saint-Mars, le Xe à Parigné et enfin, le IIIe Corps d'Armée jusqu'à Ardenay. Le général von Alvensleben du IIIe Corps d'Armée ordonne à sa 6e division de prendre la grande route, et à sa 5e division de prendre la route parallèle Ecorpain-Changé. La 6e division, qui se dirige vers Ardenay, se compose en avant-garde de l'Infanterie-Regiment 64, suivi de l'Infanterie-Regiment 24 et de l'Infanterie-Regiment 35. Quand à la 5e division, elle se retrouvera surprise par les troupes françaises le lendemain, lors du combat de Parigné-L'Evêque.

Les allemands commencent à avancer à 9h du matin, en même temps que les français. Mais le ciel clair de la veille a laissé place à un temps misérable. Un brouillard épais bloque la vue à une soixantaine de mètres, la neige tombe et un vent d'ouest violent souffle et fouette le visage des soldats allemands et le dos des soldats français. La grande route devient rapidement verglacée. Les chevaux glissent et tombent les uns après les autres. La cavalerie et l'artillerie montée doivent mettre pied-à-terre. L'avance est lente. La reconnaissance se fait par des compagnies d'infanterie, la cavalerie étant incapable d'effectuer son travail. 

Situation globale dans la matinée du 9 janvier.

Il est 11h passé quand les troupes françaises arrivent à Ardenay et commencent à se déployer. Le 48e de marche tient la droite de la défense française, notamment un de ses bataillons placé en périmètre défensive dans le parc du château d'Ardenay. Le 51e de ligne se place légèrement en arrière, vers le centre du dispositif, et le 85e mobiles sur la gauche, en surveillance notamment de la route du Breil. Les premières lignes françaises s'appuient sur la forêt du parc du château et sur des hauteurs au nord de la grande route. L'artillerie (4 canons et deux mitrailleuses) arrivera plus tard sur les crêtes d'Ardenay, près du hameau de La Butte. 

Début des combats. Situation approximative vers 13h.

Vers 13h, les premières compagnies allemandes du I. Bataillon de l'Infanterie-Regiment 64 s'accrochent aux avant-postes français. La 1., 2. et 4. Kompagnie se retrouvent engagées de part et d'autre de la grande route, tandis que la 3. Kompagnie se retrouve bloquée en tentant d'avancer vers le château d'Ardenay. Au nord de la route, les troupes françaises reculent vers les hauteurs du Breil et une fois en position dominante, ouvrent un feu terrible sur les soldats allemands. Le bruit de la fusillade devient tellement assourdissant dans les bois qu'il est difficile d'entendre les ordres. Les officiers allemands tentent de communiquer avec des signaux visuels.

Le II. Bataillon est appelé pour renforcer les compagnies allemandes déjà engagées. La 6. Kompagnie se dirige au sud de la route et la 7. au nord. Ils chargent alors les lignes françaises qui doivent reculer. Les allemands accusent des pertes : le commandant de la 7. Kompagnie, capitaine Von L'Oeillot, est sérieusement blessé par deux coups de feu. Le premier-lieutenant Pliszkowsky le remplace, pour être tué quelques minutes plus tard par une balle au cœur.

Les premières lignes françaises sont repoussées et les troupes allemandes progressent des deux cotés de la grande route. Pour éviter d'être pris de flanc, la 5. et 8. Kompagnie sont dirigées au nord et repoussent une avancée française vers le ruisseau de Brusson. En tentant de le traverser, certains soldats tombent dans un mélange d'eau glacée et de neige. Une partie des hommes de ces deux compagnies sont frigorifiés. Le Fusilier-Bataillon de l'Infanterie-Regiment 24 prend alors place sur la droite, vers Brusson et Soulitré. La 5. et 8. Kompagnie se retirent vers la grande route. Le combat est désormais général tout le long des lignes françaises. Les IIe et IIIe bataillons du 51e de marche sont déployés en tirailleurs sur les crêtes d'Ardenay, entre la grande route et le village, tandis que le Ier bataillon s'avance dans la plaine au nord de la grande route.

Evolution des combats dans l'après-midi. Les positions des troupes françaises sont approximatives au vu du manque de sources claires.

Au sud, les hommes du 48e de marche doivent abandonner le parc du château d'Ardenay devant l'attaque des 3., 4., 6. et 11. Kompagnie. Celles-ci se tournent alors vers le château, qu'elles capturent, faisant un certain nombre de prisonniers français. Dans Ardenay même, c'est la panique.
« Le désordre le plus complet régnait dans le village. Ces tableaux que nous avions déjà vus tant de fois se déroulaient devant nos yeux: des paysannes affolées de terreur se précipitaient hors de leurs demeures; l'esprit troublé par le bruit rapproché de la fusillade qui se faisait entendre sur divers points, elles couraient au hasard, demandant aux soldats, aux officiers, qui ne songeaient pas à leur répondre, de quel côté il fallait se diriger pour être en sûreté. Des charrettes, remplies de jeunes enfants, fuyaient vers le Mans. Dans cette bagarre, les malheureux paysans essayaient de sauver leur bétail des atteintes de l'ennemi, et l'on voyait des troupeaux bondir effrayés au milieu des batteries d'artillerie et des escadrons de cavalerie. » (extrait de "Souvenirs de deux volontaires à l'armée de la Loire")
Un peu auparavant, vers 15h, l'Infanterie-Regiment 35 est envoyé au sud en direction de Surfond afin de flanquer les français par le sud et avancer vers le village d'Ardenay. Les premières compagnies sortent de Surfond quand elles apprennent que le château a été capturé, mais le mouvement de flanc se poursuit. Après avoir subit quelques tirs depuis le moulin de la Calyuère et la ferme de Belessort, la 1. Kompagnie se fait violemment prendre à partie par quelques compagnies du 48e de marche, barricadées dans la ferme de la Cohannière. Les allemands chargent, et les français se retirent, laissant derrière eux deux prisonniers. Une fusillade s'engage entre les allemands depuis la ferme et les français derrières les haies environnantes. 

Sur les hauteurs, à l'est de La Butte, les canons et mitrailleuses françaises tirent vers la lisière de la forêt. Le Feld-Artillerie-Regiment 3 tentent de mettre en batterie ses canons, mais plusieurs de leurs artilleurs sont blessés par les tirs de l'artillerie française. Ailleurs sur le champs de bataille, les français perdent peu à peu du terrain. Le Ier bataillon du 51e de marche doit se retirer dans les bois au pied des crêtes d'Ardenay, le 85e mobiles se retrouve menacé sur sa gauche, et les allemands sont désormais aux portes du village d'Ardenay, le 48e de marche ayant perdu toutes ses positions avancées.

Positions approximatives des deux armées à la nuit tombée.

Alors que la nuit est désormais tombée, la fusillade s'épuise et le champs de bataille se calme. Le général Pâris se rend compte qu'il va être impossible de tenir la position : ses troupes sont épuisées par la marche de la veille, par le froid et l'intensité des combats. Il fait peu à peu se retirer ses hommes, gardant ses dernières troupes sur la crête d'Ardenay et à La Butte.

Au sud, les patrouilles de l'Infanterie-Regiment 35 trouvent Ardenay vidée. Les deux bataillons du régiment décident de traverser le village et rejoindre la grande route vers La Butte. Alors que le I. Bataillon longe la crête après être sorti d'Ardenay et que le II. Bataillon s'y trouve toujours, une violente fusillade prend les allemands à parti. Depuis le haut de la crête, les français tiennent toujours leurs positions. Le I. Bataillon veut reculer vers le sud, vers le village, mais se retrouve en réalité pris au piège. Des centaines d'hommes se jettent alors dans le fossé au bord de la route, en attendant la fin de la fusillade. Le II. Bataillon est également sous les tirs dans le village et se met à couvert. Au bout d'une demi-heure, la fusillade, peu précise du fait de l'obscurité, cesse et les deux bataillons décident de rejoindre la grande route par l'est et de s'éloigner de la crête. 

Retrait français et derniers combats pour le contrôle de La Butte.

Au nord, le commandement allemand veut débloquer la situation plutôt que de rester bloqué toute la nuit, et décide une manœuvre de flanc. Les 5. et 8. Kompagnie de l'Infanterie-Regiment 64 vont attaquer La Butte depuis l'est tandis qu'une partie du Fusilier-Bataillon va contourner les positions françaises et attaquer le hameau par le nord. Les hommes du Fusilier-Bataillon commencent à contourner les positions françaises, probablement partiellement évacuées. Les 5. et 8. Kompagnie traversent les prairies en direction du hameau mais devant le feu français, n'ont d'autres choix que de se jetter à terre dans la neige. L'attaque atteint cependant son but de diversion, et les fusiliers ont le temps de s'avancer vers les premiers bâtiments depuis le nord. Une volée de balle atteint les défenseurs français depuis leurs arrières, et ils se retirent rapidement en désordre. C'est à ce moment qu'une partie de l'Infanterie-Regiment 24 se lance à l'assaut de la crête. Il est environ 21h. Les français auront perdu 250 hommes dont 40 tués, les allemands 157 hommes, dont 10 tués. 
Le combat d'Ardenay est terminée.

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